| Europe de
    l'Est soutient l'atlantisme et les Etats-Unis contre le renaissance de lEurope
    rétrograde des grandes puissances ? | 
| «Le soutien des anciens pays communistes d'Europe de l'Est aux États-Unis ne doit pas être interprété comme un acte d'obséquiosité, tout comme il ne s'agit pas de consentir en bloc à la politique américaine», estime l'analyste politique bulgare Ognyan Mintchev. Il s'agit plutôt de « l'expression des intérêts nationaux fondamentaux à long terme, partagés par tous les pays européens post-communistes, fondés sur la sauvegarde à tout prix de l'espace euro-atlantique et du rôle prépondérant des États-Unis.» Avec leur soutien catégorique aux États-Unis lors de la crise irakienne, les pays de l'Est post-communiste ont mis en évidence une grande rupture sur le Vieux continent, entre une Europe occidentale pacifiste et neutraliste et une Europe orientale pro-atlantique. Pourquoi celle-ci a-t-elle couru le risque de provoquer la colère de ses « parrains occidentaux » en appuyant les États-Unis, malgré ses réserves sur les politiques de l'actuelle administration conservatrice à Washington ? Les explications d'ordre moral ou les questions de valeurs sont futiles. L'Europe post-communiste a en effet déjà fait son choix, en optant pour la communauté et les institutions occidentales, à savoir l'OTAN et l'UE. Quant à la crise irakienne, le dilemme entre l'Allemagne et les États-Unis n'a rien à voir avec le schéma simpliste et moralisateur du Bien contre le Mal : il s'agit surtout de deux visions stratégiques opposées, structurées en fonction d'intérêts différents mais comparablement légitimes. La position de l'Europe orientale en faveur des États-Unis est pragmatique, elle résulte de l'ensemble des intérêts stratégiques à long terme des pays post-communistes. Cette position repose sur le postulat que l'unité et l'efficacité de la communauté euro-atlantique exige une implication active des États-Unis, indispensables dans l'équation de la sécurité européenne. Après la chute des régimes communistes en 1989, les sociétés est-européennes ont entamé des transformations sociales, économiques et institutionnelles pénibles caractérisées notamment par des problèmes de sécurité très graves. La fragilité des nouveaux systèmes institutionnels et démocratiques, la transition douloureuse vers des économies de marché et la privatisation criminalisée, la représentation et l'efficacité insatisfaisantes des institutions nationales, les conflits inter-ethniques, tout cela a incité l'Europe orientale à se tourner vers l'Occident. [...] Mais l'Occident n'a pas bougé. Après « l'adoption » de l'Allemagne de l'Est, l'Allemagne réunifiée et ses partenaires européens ont reporté l'élargissement à l'Est sans date butoir, abandonnant l'Europe orientale à elle-même. Le refus de l'intégration et l'absence d'efforts semblables à ceux du plan Marshal ont été suivis dans les années 90 par l'impuissance de l'UE à contenir les conflits ethniques dans lesquels se sont embourbés les États de l'ex-Yougoslavie. [...] Bref, si l'Europe post-communiste souhaitait résoudre ses problèmes complexes liés à la transition et à la sécurité, l'intervention vigoureuse des États-Unis dans la politique européenne s'avérait nécessaire. L'implication des États-Unis et de l'OTAN en Bosnie ont permis les accords de Dayton. La décision de l'administration Clinton de soutenir l'élargissement à l'Est de l'OTAN fut une consolation au report de l'élargissement de l'UE. Les pays post-communistes ont compris que la seule manière réaliste de trouver une solution à leurs difficultés sécuritaires passait par les États-Unis et la communauté transatlantique. [...] Mais la priorité que ces pays accordent à la préservation et au développement du partenariat transatlantique ne découle pas strictement du contexte actuel de transition vers la démocratie, l'économie de marché et l'efficacité institutionnelle. L'Europe centrale et orientale est une région que les initiatives des grandes puissances ont rendue instable et vulnérable, et ce pendant des siècles. La Guerre froide avait gelé à l'Est les divisions et les conflits traditionnels. La présence des États-Unis dans l'équilibre de la sécurité européenne, à travers l'OTAN par exemple, a créé une occasion unique de tourner le dos à l'héritage des conflits entre les principaux protagonistes européens, à savoir la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Même si l'idée selon laquelle l'Europe est suffisamment mûre pour préserver son unité et la paix par ses propres moyens, sans les États-Unis, même si cette idée est acceptable dans les cercles de la gauche anti-américaine et ceux de la droite gaulliste en Europe de l'Ouest, elle ne l'est toujours pas dans les anciens pays communistes. La Pologne contemporaine garde un souvenir vif du voisinage avec l'Allemagne et la Russie. Aujourd'hui, l'OTAN et les États-Unis sont des facteurs indépendants de la sécurité polonaise qui garantissent que la Pologne ne sera plus jamais dévastée et divisée par ses puissants voisins. Une garantie similaire est offerte par les États-Unis, toujours par l'entremise de l'OTAN, aux pays baltes, à la République tchèque, à la Hongrie, à la Roumanie et à la Bulgarie. Dans le cas bulgare, l'OTAN représente un facteur essentiel tant pour l'équilibre régional que pour la sécurité nationale. La crise irakienne a permis à certains cercles anti-américains en Europe et aux anti-européens et autres conservateurs aux États-Unis d'exprimer leurs doutes sur l'avenir du partenariat et de la coopération transatlantiques en matière de sécurité. Car les risques de désintégration ou de perte de sens de la coopération transatlantique sont importants et plusieurs aspects de la question ne peuvent faire l'objet de cet article, dont le but plus modeste est de formuler les enjeux réels pour l'Europe centrale et orientale reliés au déclin de l'Alliance atlantique. La première conséquence d'une désintégration de la coopération transatlantique serait l'accroissement rapide et considérable de l'influence de la Russie en Europe post-communiste. Le jeu géopolitique du 19e siècle, celui des « grandes puissances », recommencerait et la grande France, la grande Russie et peut-être la grande et aujourd'hui paisible Allemagne tenteraient à nouveau de manipuler le destin des plus petits et plus vulnérables pays européens, répartis en sphères d'influence. Certes, l'UE donne des garanties suffisantes en termes de développement social et économique, mais ce n'est pas le cas dans le domaine de la sécurité. Ceci parce que la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) n'a jamais dépassé les bonnes intentions et ne parvient pas à fondre les intérêts nationaux des grands États de l'UE - qui sont les anciennes grandes puissances. Voilà pourquoi la stratégie de développement à long terme des pays post-communistes comprend simultanément et avec le même degré de priorité deux objectifs primordiaux : devenir membre de l'OTAN et membre de l'UE. La crise et la désintégration éventuelle de l'OTAN modifieront certainement les perspectives d'intégration européenne de ces pays. Au lieu d'entrer dans le club rêvé des nations libres et prospères, ils risquent d'adhérer à un autre club, celui des satellites associés à la puissance européenne la plus proche. Le soutien des anciens pays communistes d'Europe de l'Est aux États-Unis ne doit pas être interprété comme un acte d'obséquiosité, tout comme il ne s'agit pas de consentir en bloc à la politique globale menée par l'administration conservatrice en place à Washington. Cet appui doit être compris comme l'expression des intérêts nationaux fondamentaux à long terme, partagés par tous les pays européens post-communistes, fondés sur la sauvegarde à tout prix de l'espace euro-atlantique et du rôle prépondérant des États-Unis. Cela explique le paradoxe de l'Europe de l'Est qui, de concert avec l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni, s'est rangée aux côtés de Washington - en utilisant les mêmes arguments que la France et l'Allemagne qui ont refusé leur soutien... Le multilatéralisme dans les relations internationales, dont les bases sont le partenariat et la responsabilité partagée entre États, reste une valeur de premier plan pour l'Europe de l'Est. C'est pourquoi l'unilatéralisme pratiqué par les États-Unis actuellement ne peut pas servir de plate-forme à un partenariat à long terme avec la « nouvelle » Europe, tout comme il ne pouvait pas le faire avec la « vieille » Europe. Les différences de positions entre les conservateurs américains et les anciens pays communistes sont substantielles et inévitables, en particulier en ce qui concerne les critères du recours à la force militaire. Dernièrement, l'administration Bush a sensiblement révisé ces critères à la baisse, surtout après les événements du 11 septembre 2001. L'histoire de l'Europe de l'Est est traversée de conflits sanglants et d'agressions, et l'utilisation de la force militaire pour résoudre des crises y a été le plus souvent néfaste... Ce qui rapproche les anciens pays communistes de la vision de l'Europe de l'Ouest qui est celle d'une politique d'interdépendance mutuelle, contrairement à une vision concurrentielle qui prône le recours direct à la force. En soutenant les États-Unis, les anciens pays communistes d'Europe de l'Est ont choisi le partenaire dont les dispositions concordaient le plus, dans le contexte, avec leurs intérêts. Ce n'est pas le Président Bush, mais bien le Premier ministre britannique Tony Blair qui a pris l'immense risque d'aller à l'encontre de l'opinion de son propre parti et qui a joué sa brillante carrière politique, et ce pour défendre une vision politique dans un moment de rupture entre l'Europe et les États-Unis. Pour lui, le partenariat transatlantique et l'intégration européenne sont deux objectifs de même importance que l'on ne saurait réaliser séparément. Même si Blair cherche à promouvoir les intérêts nationaux britanniques, il défend aussi l'unité occidentale pour l'avenir. Les Européens de l'Est ont la même vision et les mêmes objectifs. La question est de savoir s'ils les réaliseront. Après 1989, l'idée qui déterminait la politique des pays post-communistes était de suivre de près l'Occident. Aujourd'hui, cela n'est plus à l'ordre du jour et l'Occident n'est plus le même. Ce qui est nécessaire maintenant, c'est une nouvelle politique active et cohérente qui construise l'Europe atlantique et qui s'oppose à la renaissance de l'Europe rétrograde des grandes puissances. La cause atlantique n'est pas perdue. Arriveront un jour à Berlin et à Washington de nouveaux gouvernements capables de reprendre la coopération transatlantique et de lui accorder une importance équilibrée et rationnelle. L'Europe occidentale elle-même est divisée sur l'avenir des relations euro-atlantiques. La position des nouvelles démocraties pourrait donc s'avérer décisive et susciter un nouvel effort pour préserver et repenser l'Alliance atlantique - l'alliance la plus réussie de l'histoire - et anticiper les défis que notre avenir commun nous prépare. | 
| par MEDIAPOOL Bulgaria |